Tambien la lluvia

Publié le par Jeunes Socialistes 03

Les JS 03 n'ont pas vocation à être critiques de cinéma. Mais, quand il leur paraît qu'un film sort de l'ordinaire et évoque d'autres thèmes que ceux rebattus dans la majorité des films pour pousser à réfléchir sur la cohérence entre les convictions et les actions, il est de leur devoir d'en informer les visiteurs, tant fidèles qu'occasionnels, de leur site.

 

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Même la pluie (Tambien la lluvia), film franco-hispano-mexicain réalisé par Iciar Bollain, est sorti sur les écrans français le 5  janvier dernier. L'histoire du film est simple : venue réaliser un film en Bolivie sur le sort inhumain infligé aux Indiens des Caraïbes par les conquistadors espagnols du XVe siècle et notamment par Christophe Colomb, une équipe de tournage  espagnole doit faire face à la révolte de la population locale contre la privatisation de l'eau décrétée par le gouvernement bolivien.

 

Ce film très bien réalisé, qui vous montre les paysages grandioses de la région de Cochabamba située à 2500 mètres d'altitude, trace un parallèle saisissant entre le sort réservé par les Espagnols  aux Indiens des Caraïbes et d'Amérique du sud  au XVe siècle et celui réservé aux Indiens des Andes par les grandes compagnies privées (soutenues par le gouvernement bolivien en place) au XXIe siècle. Dans les deux cas, l'opposition légitime à la volonté impérialiste est brimée par ceux qui disposent de la force armée.

 

 

100826_eventherain.jpgMais, ce film se révèle être également une excellente réflexion sur la notion d'engagement dans nos sociétés occidentales. En effet, entre ce gouvernement  conservateur bolivien, qu'Evo Morales fera tombé par les urnes quelques années plus tard, qui soutient la privatisation de l'eau - entraînant une forte augmentation du prix de l'eau ce qui a pour effet de priver une grande partie de la population locale de ce bien vital - et la population locale composée de descendants d'Indiens des Andes qui veut avoir un accès libre à l'eau, et notamment à l'eau de pluie dont le gouvernement interdit le captage (d'où le titre Même la pluie), l'équipe de tournage ne peut rester neutre. Venus faire un film pour dénoncer leurs ancêtres conquistadors et leurs pratiques indignes, ils sont confrontés à une réalité qui devrait leur poser les mêmes cas de conscience que ceux qui les ont amenés à tourner ce film sur le XVe siècle.Très vite, l'équipe de tournage occidentale est donc mise face à ses contradictions. Le spectateur aussi. Est-ce conforme à nos convictions d'aller voir des films dont le sujet est censé dénoncer des injustices mais dont les producteurs sont heureux de tourner dans des pays où le salaire journalier est de 2$ au mieux ? (Slumdog Millionaire est un bon exemple de ce genre de film). Est-ce conforme à nos convictions de ne rien faire pour aider des femmes et des hommes qui se battent pour avoir accès à l'eau ? Voilà quelques questions posées par le film auxquelles nous devons répondre.

 

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S'il est facile de dénoncer des injustices, de s'indigner, il l'est beaucoup moins de s'engager vraiment pour agir et changer les choses. Cela suppose de bien prendre conscience de la réalité, d'en discerner la gravité voire l'indignité et d'oser passer outre nos peurs : "Changer le monde commence par changer soi-même" comme cela est écrit sur l'affiche du film. Tout comme Stéphane Hessel dans son dernier essai Indignez-vous !, ce film nous montre que l'indignation, si elle est nécessaire, ne suffit pas : elle est le premier stade qui doit nous mener à entreprendre une action visant à faire disparaître l'objet de notre indignation.

Il ne faut pas nous laisser enfermer dans notre confort. Cela est plus que difficile, mais il est primordial de réussir à dépasser nos contradictions et nos peurs, de mettre en oeuvre nos idées et de donner une suite pratique à nos convictions. C'est ainsi que nous pourrons changer le monde. Indignons-nous, dépassons-nous et agissons !

 

 

 

Ce film nous envoie aussi un autre message. Inspiré d'une histoire vraie, ce film évoque la révolte des Indiens des Andes qui ne fut pas qu'une révolte anodine. Elle a eu pour finalité, combinée à d'autres révoltes de cette nature dans d'autres villes ou régions de Bolivie, de renverser le gouvernement en place et d'élire Evo Morales en 2006 dans le cadre d'une révolution pacifique. Rien n'est donc acquis.  Il faut savoir se dresser, se mettre debout, résister. La fatalité et la résignation doivent disparaître pour laisser place à la résistance ; résistance entre autres à un modèle économique qui brise les êtres humains. Si les conquistadors ont eu la peau des Indiens des Caraïbes, les grands groupes privés et le gouvernement libéral bolivien, qui n'a pas hésité à privatiser les services publics de base au nom de la bonne gestion des deniers publics, n'ont pas réussi à passer outre la volonté du peuple - bien au contraire.

 

Un film excellent qui est un puissant appel à l'action - aussi bien au niveau national qu'international.

A voir absolument.

 

Non diffusé dans l'Allier cette semaine (12/01 au 19/01), ce film peut être vu notamment à Clermont (aux Ambiances), à Lyon (à l'UGC Ciné Cité et au Pathé Bellecour), à Bron (aux Alizés), à Saint-Etienne (au France), à Châteauroux (à l'Apollo) ou à Orléans (aux Carmes).

 

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